Mercredi
9 septembre : Gernica - Zamudio 24 km
Au départ, je fais un crochet par la boulangerie pour y prendre mon petit
déjeuner et faire tamponner ma crédencial. Habituellement, c'est une opération
que l’on accomplit au gîte en réglant sa note, mais il faut dire qu’hier soir l’hébergement
était un peu particulier. En réservant par internet, je m’étais vu attribuer un
code pour obtenir ma clé de chambre, code que je devais saisir sur le clavier
d’un distributeur accroché à la façade de l’hôtel de la même façon que dans un autre j’aurais
mis des pièces pour que tombe un paquet
de cigarettes. Dans la pension pas âme qui vive, hormis quelques clients, dont des
pèlerins, qui ont dû se livrer à la même opération que moi pour accéder à leur
chambre et qui comme moi n’ont pas pu apposer le précieux cachet sur la crédential.
Peut-être que l’hôtelier mettra un jour un distributeur de sellos
à côté du distributeur de clés ! On pourrait imaginer un composteur
automatique comme il en existe dans les gares ; la difficulté consisterait
alors à viser la bonne case, mais avec l’intelligence artificielle et la puissance
des processeurs tout est envisageable ! Voilà un bon sujet à méditer pour
un futur candidat au concours Lépine !
Une réflexion qui nous conduit bien loin du chemin de Monseigneur Godescalc,
cet évêque qui a ouvert la voie du Puy au milieu du X e siècle.
Lorsque je quitte la ville, un groupe de 5 pèlerins me précède. À les
entendre discuter entre eux, je comprends qu’ils sont Allemands ; je me
demande alors qu’elles sont leurs pensées par rapport à cet acte de guerre qui
a anéanti la ville. Ils n’ont bien évidemment pas à culpabiliser par rapport à la
folie d’un homme né un siècle avant eux, mais néanmoins je pense qu’ils ne
peuvent être totalement indifférents à de tels actes de barbarie engendrés par
l’un de leurs compatriotes. Je les rattrape et comme chaque fois avant de
poursuivre, je tente d’échanger quelques mots : ils me confient qu’ils
sont tous les 5 étudiants. Je rassemble alors les quelques bribes de
vocabulaires qu’il me reste du lycée pour leur expliquer que je suis à la
retraite : « nicht arbeit,
finish ». A priori, à voir leur sourire, ils ont compris. « Buen Camino ».
Les jeunes Allemands |
La météo est toujours aussi clémente et le
paysage est un copier-coller de celui d’hier : des collines verdoyantes
avec quelques maisons disséminées à flanc de coteaux et dans les vallées. Ici
les eucalyptus ont remplacé les pins et les senteurs qu’ils dégagent sont bien agréables au nez.
Je passe à côté d’une pèlerine, assise, dos au chemin, en train de manger un
fruit. Je lui lance un « ola »
qui la fait sursauter : elle ne m’avait pas vu arriver. Elle me dit être
Russe mais « un poco »
espagnol. Sa tenue vestimentaire me surprend un peu : polaire plus anorak
alors que l’on flirte avec les 30 degrés ; peut-être en préparant son
voyage a-t-elle confondu l’Espagne avec la Sibérie !
Depuis quelques étapes, je pars le matin sans nourriture pour le déjeuner,
me disant que je trouverai bien un bar dans un village pour prendre un « bocadillo » et une bière. Aujourd’hui
le pari est un peu plus risqué, car le premier village où je peux espérer
trouver de quoi manger est à une vingtaine de kilomètres de Gernica. En fait, pour tout dire, j’ai toujours
au fond du sac une petite sécurité à laquelle je ne recours qu’en situation
extrême, constituée par quelques barres de céréales : simplement de quoi
survivre. Pour la boisson par contre, c'est plus problématique, il ne faut pas
prendre de risque, je pars toujours avec un litre d’eau même si beaucoup de
maisons de particuliers mettent à disposition un robinet pour les pèlerins. Tout
à l’heure, je suis passé devant une de ces demeures où était indiqué sur un
panneau en bordure de route « agua »
avec une flèche qui pointait vers un robinet au fond de la cour et au-dessus duquel
un autre écriteau disait : « cuidado
con el perro » (attention au chien). Celui qui ici arrive la gourde
vide et la gorge sèche doit avant toute autre action se poser la
question : vaut-il mieux mourir de soif ou dévoré par un chien ? Une
autre chose dont je me méfie avec ces robinets de jardin, c’est la provenance
de l’eau : sur quel réseau sont-ils branchés ? Le réseau public,
celui qui alimente la cuisine et la salle de bain, ou la citerne d’eau de
pluie dans laquelle pullulent bactéries et cadavres d’insectes ? Pour
toutes ces raisons j’ai pris l’habitude de ne jamais me ravitailler à ces
points d’eau de particuliers même si j’ai beaucoup d’admiration pour ces gens
et la générosité qu’ils manifestent à
l’égard des pèlerins.
J’atteins Larrabetzu vers 13 heures. Je déjeune à la terrasse d’un bar
sur la place centrale puis poursuis ma route vers Zamudio, le terme de mon
étape du jour. Mon hébergement est un peu à l’écart du centre, mais pas pour
autant tranquille. En effet, je ne suis qu’à quelques kilomètres de Bilbao, mais
en plein dans l’axe d’atterrissage des avions qui survolent mon hôtel à basse
altitude dans un vacarme effroyable. J’espère que les vols sont interrompus la
nuit. Pour le dîner, je n’ai pas besoin de faire le tour des restaurants, il n’y
en a qu’un seul dans le village. J’y prends un « plato combinado » tout en regardant le grand écran télé
qui diffuse en boucle une séquence d’un match de football perdu par l’Espagne, mais avec un super but de Mata.
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