Lundi 7 septembre : Itziar - Markina
28 km
J’entame ce matin ma 6e étape. Sur le plan physique, c’est
la grande forme, les quelques courbatures des premiers jours ont disparu et à
cet instant du départ, je n’éprouve que de bonnes sensations ; côté moral ce
n’est pas mal non plus et je pense que la beauté des paysages traversés, la
météo, les quelques rencontres…. y sont pour beaucoup. J’espère que ce soir, je
serai dans le même état d’esprit, car l’étape du jour a la réputation d’être
difficile, avec une première partie tout en descente pour atteindre Deba au
bord de l’océan ; ensuite, comme après chaque traversée de rio, le chemin
reprend très vite de l’altitude pour culminer à 500 mètres peu après Olatz.
Lorsque je quitte le gîte, le soleil commence à pointer au-dessus de
l’horizon donnant aux monts Cantabriques cette belle couleur rougeâtre que l’on
ne peut observer que si l’on est un minimum matinal. À mesure qu’il s’élève, apparaît ce spectacle
que je redécouvre tous les matins avec ce banc de brume qui monte doucement vers
le ciel et qui semble suspendu à mi-hauteur entre les collines : que c’est
beau, qu’il fait bon pérégriner ici ! C’est aussi l’heure où nos ombres
sont immenses : alors on joue avec, on prend des photos. J’en fais une
originale avec mon ombre projetée sur un mur tapissé de capucines.
Ce matin, je suis seul sur le chemin, pas le moindre pèlerin en vue. Ce
n’est pas trop étonnant, car hier, la
plupart d’entre eux ne se sont pas arrêtés à Itziar comme moi, mais ont poursuivi
jusqu’à Deba, distant de 2 kilomètres : ils sont donc tous devant moi et
je ne peux donc compter que sur les bornes pour me guider : heureusement le
balisage est de qualité ; c’est une constante depuis que je suis passé en
Espagne. Le décor est toujours le même,
la mer toute proche à droite, à ma gauche, à quelques kilomètres, la chaîne
Cantabrique et entre les deux, ce paysage si particulier au Pays basque fait de
collines et de vallées couvertes d’herbages.
Je parviens à Deba, une petite ville construite de part et d’autre du
fleuve du même nom. Ici également un pont permet de traverser sans recourir à
la « barca ». Le temps de prendre un petit encas et je poursuis ma marche. À partir de Deba le
chemin quitte le bord de mer pour s’enfoncer dans les terres, ne retrouvant
l’Océan que quatre étapes plus loin, en sortant de Bilbao. Onze heures sonnent
au clocher lorsque je traverse Olatz, un ancien village qui fut, comme beaucoup
d’autres dans la région, plus ou moins abandonné lorsque a sévi la peste à la
fin du 15e siècle. Vers midi, je rencontre les premiers pèlerins.
C’est un couple, chacun affichant la quarantaine et ils sont occupés à déjeuner
à l’ombre des pins. J’échange quelques mots avec eux, mais visiblement ils ne
paraissent pas avoir très envie de discuter. J’apprends néanmoins que la dame
est de Limoges et lui de Cayenne. À l’expérience, on remarque tout de suite dans ce genre de rencontre s’il est utile de
chercher à poursuivre la conversation ou non. Là, c'est flagrant, je dérange, ils
veulent rester dans leur intimité, alors je les quitte non sans leur lancer le
traditionnel « buen Camino » auquel ils répondent machinalement par
les mêmes mots. Ce n’est pas avec eux que je lierai une amitié éternelle !
Les voir casser la croute m’a donné envie de les imiter, mais
malheureusement je n’ai pas de quoi faire un grand festin : seulement un
croissant acheté à Deba et une barre de céréale. J’espère que ça sera suffisant
pour tenir les 10 km restants ! De plus un petit rouge-gorge a décidé de partager ce repas avec moi. Pas sauvage
pour un sou, il vient jusque sur ma main picorer les graines échappées de la
barre. Dommage qu’il n’ait pas la parole, car je suis certain que lui aurait eu
envie de lier conversation.
Encore une belle page!
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